La soixantaine environ, Moussa reste très actif et entreprenant. « Nous avons appris beaucoup de choses avec la mise en œuvre de ce projet et j'essaierai personnellement d’utiliser certaines techniques apprises mon champ, comme par exemple la mise en botte, la construction de clôture avec du grillage, la scarification ou la demi-lune pour capter l’eau de pluie pour le sol », explique-t-il.
Une douzaine d'hommes (jeunes et adultes) sont occupés à manipuler une machine mécanique pour la mise en botte sous un soleil de plomb. On note juste à côté d’eux une superficie d'environ 3 mètres carrés où des herbes ont été fauchées, ainsi que 15 bottes superposées. Les aînés assis à l’ombre de quelques gerbes de pailles bien fagotées échangeaient à l'écart du groupe.
Rien n'a jamais été cultivé sur cette zone avant et l'herbe pourrait difficilement atteindre les 25 cm et encore sur quelques surfaces éparses pendant les saisons des pluies. Les deux hectares clôturés par le projet pilote dans le cadre de la gestion intégrée de la sécheresse sont couverts par de longues graminées qui atteignaient par endroit jusqu’à 1,5m. Cela a été rendu possible, explique Hilaire Ilboudo, coordonnateur du PGIS au PNE Burkina "parce que en fin de saison sèche nous avons apporté un tracteur pour pratiquer la scarification sur ces zones très sèches du sol. En d’autres endroits nous avons fait un mélange de techniques comme la demi-lune ou le zai. Ces techniques sont destinées à transformer les terres sèches pour recevoir et conserver de l’eau permettant aux micro-organismes de s'installer et de fertiliser ".
Selon les estimations, entre 1 500 et 2 000 bottes pourraient être prélevées sur l'herbe récoltée dans les deux hectares clôturés. A bas prix, un bouquet est vendu entre 500 FCFA à 750 FCFA et ce prix pourrait doubler (1 500 FCFA) pendant certaines périodes de l'année. Si l'association Kogoloweogo conserve sa récolte de bottes et parvient à l’écouler en période de forte de foin, elle pourrait gagner jusqu'à 2 millions de FCFA, ce qui représente un revenu estimable.
Nana Jean de Dieu, chef du département de l'environnement, de l'économie verte et du changement climatique à Komki Ipala a suivi et aidé au renforcement des capacités des membres de Kogoloweogo lors de la mise en œuvre du projet sur la restauration des sols et la conservation de l'eau. Il explique qu’à vue d’œil la différence est très grande entre la zone clôturée et à l'extérieur de cette zone. « Ceci constitue pour nous un bon exemple que nous pourrions répliquer dans d’autres parties de la commune, car il n'y a aucun doute sur l’appropriation des populations des résultats de cette action », explique M. Nana.
Ouedraogo Souleymane, lui est le chef de l'action sociale du Ministère des Femmes, de la Solidarité Nationale et de la Famille et a joué un rôle de « tampon » pour la résolution des difficultés pouvant survenir lors de la mise en œuvre du projet. Le projet a impliqué le maire, le préfet, les départements de l'Agriculture, de l'environnement et le comité de développement du village de Komki Ipala.
Le Burkina Faso, pays sahélien, est confronté à une dégradation massive de sa biodiversité dû à la sècheresse. Depuis les années 1970 des efforts ont été consenti par le Gouvernement, les ONG, la société civile dans la lutte contre la sécheresse. Malgré ces efforts, environ 4 millions de Burkinabè reste toujours exposé aux alias du phénomène de la sécheresse. L’analyse de la revue des initiatives dans le domaine de la sécheresse a montré qu’au BF, les actions visant à la lutte contre la sécheresse étaient essentiellement des actions de conservation au détriment des actions de restauration. Par ailleurs, les différents reboisements organisés chaque année par les institutions ont montré leurs limites du fait du non suivi des jeunes arbres plantés.
Ainsi de nouvelles approches innovantes sont nées telle que la technique de mis en défend du sol.
Ce projet constitue une intégration de plusieurs pratiques agro-sylvo-pastorales afin d’être innovant dans le reboisement. En effet, le modèle de reboisement classique a montré ces limites. Au vu de la dégradation de l’environnement, il faut trouver des moyens pour restaurer la nature et lutter contre la sècheresse.
Le projet pilote est mis en œuvre selon une méthode participative avec la forte implication des acteurs locaux. Ce projet est une école où tous les acteurs locaux, les bénéficiaires, les élèves sont venus apprendre et s’inspirer. Des travaux de Trouaison en passant par l’implantation des poteaux, la confection du grillage de la clôture, le creusage des bassins, le creusage de la tranchée de la haie vive, la scarification du sol etc…tout a été fait par les bénéficiaires aidés par des riverains. Les bénéficiaires ont eux-mêmes réalisés les travaux de pépinière pour la production de 8000 plants dont 3000 ont ensuite servie au reboisement le site.
Ce projet a été mis en œuvre avec l’appui des partenaires tel que : Autorités coutumières, comité villageois de développement, Mairie, services déconcentrés (agriculture, environnement) de komki Ipala.
Principaux résultats
En termes de résultats obtenus, nous pouvons citer :
- Les membres du groupement Kogoloweogo et en particulier le propriétaire terrien qui a mis à disposition son terrain de 2 ha pour les besoins du projet sont totalement convaincus et engagés continuer les actions et d’expérimenter sur leurs propres champs. Le projet a créé une forte attraction dans la population désireuse d'apprendre les techniques utilisées pour récupérer les terres dégradées et restaurer la végétation ;
- Les autorités politiques locales, y compris le maire et les services déconcentrés de komki Ipala, ont soutenu le projet confortant la fierté et l’engagement des bénéficiaires du projet ;
- Deux (2) hectares de terres dégradées ont été récupérés et protégées pour servir à générer des revenus pour le groupement comme la vente de bottes produites sur le site; la repousse de la strate herbacé permet le reboisement;
- Les capacités des bénéficiaires (formation des bénéficiaires, sensibilisation des acteurs, voyage d'étude) ont été renforcées sur des techniques de récupération et des pratiques respectueuses de l'environnement.
Principaux enseignements tirés
Des leçons ont été apprises de la mise en œuvre du projet pilote et permettent de faire des recommandations pour la mise en œuvre d'un projet similaire :
- L’implication des autorités coutumières, administratives et techniques à la réflexion préalable sur le projet facilitera la mise en œuvre et tout réajustement avec les bénéficiaires
- La valorisation des connaissances locales permet d’élaborer des projets adaptés aux besoins des populations riveraines et bénéficiaires avec des impacts concrets sur les conditions de vie ;
- Le partage d’expérience entre les nouveaux bénéficiaires et les anciens permet de créer un cadre d’échanges afin de briser les dernières résistances et faciliter la conviction d’atteindre un succès probable