L’atelier avait pour but de renforcer la compréhension des journalistes spécialistes des questions environnementales sur les enjeux, impacts et dangers de l’exploitation minière sur l’environnement. Plus de quarante participants, journalistes parlementaires, spécialistes de l’environnement et acteurs du secteur des mines, issus de 11 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, ont pris part à cinq jours d’échanges, de visites et de pratiques axés sur la relation entre exploitation minière et protection de l’environnement.
Les communications et panels sur l’activité minière et les législations qui l’encadrent, ont permis aux journalistes de comprendre qu’il s’agit d’une activité complexe comprenant l’exploration, l’exploitation et la commercialisation. Selon M. Bashirou OUEDRAOGO, Conseiller Technique du Ministre burkinabé des Mines, de l’Energie et des Carrières, parlant au nom de son Ministre à la cérémonie d’ouverture de l’atelier, « les mines contribuent sans conteste au développement socio-économique de nos pays. Cela ne se produit malheureusement pas sans impacts sur l’environnement et les ressources naturelles ».
Bien que l’activité minière se révèle être une source pourvoyeuse d’emplois et de revenus pour de nombreux Etats d’Afrique de l’Ouest, les équilibres naturels et humains connaissent une perturbation profonde dans les zones d’exploitation minière. Les écosystèmes naturels sont difficilement reconstitués et la qualité de vie du milieu peut être altérée après la fermeture de la mine. Si des textes nationaux, régionaux et même internationaux organisent la protection de l’environnement dans l’exploitation minière, les coûts élevés des actions de compensation et la faible capacité de contrôle des États et de réactions de la société civile ne permettent pas d’établir une véritable traçabilité sur tous les effets de l’activité minière et le respect des normes environnementales en Afrique de l’Ouest.
Pourtant, avec le boom actuel du secteur minier, des « compromis sont possibles entre les enjeux économiques et environnementaux en matière d’exploitation minière » selon M. Abdoulaye Diarra, enseignant-chercheur à l’Institut International de l’Eau et l’Environnement (2IE) prenant part aux débats de panel au cours de l’atelier. Pour le Président du Global Water Partnership Afrique de l’ouest (GWP/AO), M. Hama Arba Diallo, aussi député-maire de Dori dans le Sahel du Burkina Faso, « dans le contexte d’un pays comme le Burkina Faso, il vaut mieux avoir l’or que de ne pas en avoir » du fait que cette activité suscite beaucoup d’enthousiasme à l’exemple de la mine d’Essakane située dans sa région. Pour y arriver, « la mobilisation de tous les acteurs est nécessaire pour atténuer les incidences environnementales et veiller à la conservation des biens et services essentiels des écosystèmes qui soutiennent le développement à long terme » a déclaré le Dr. Aimé J. Nianogo Directeur Régional de l’UICN-PACO. C’est pourquoi, le répresentant du Ministre, M. Bashirou Ouédraogo, a salué et encouragé l’initiative de l’UICN/PACO et de GWP/AO de cibler les médias avec leur potentiel d’information et de sensibilisation en plus des parlementaires pour cet atelier de renforcement des capacités.
L’atelier de cinq jours s’est déroulé en trois phases : après deux jours d’échanges avec les spécialistes du secteur et une journée de visite de terrain, les journalistes ont réalisé des productions médiatiques sur l’impact des activités minières sur les systèmes naturels et humains mais aussi sur la période poste exploitation.
Un bouleversement des équilibres naturel et humain lié à l’exploitation minière
Située à 90 km de Ouagadougou dans la région du Centre-Nord du Burkina Faso la commune rurale de Sabcé qui abrite les installations de la mine d’or de Bissa Gold a reçu la visite des participants à l’atelier. La société Bissa Gold (détenue à 90% par NORGOLG à intérêts russes et 10% par l’Etat du Burkina) développe ses activités d’exploitation d’or sur une superficie de 130 km2. Les hommes des médias se sont entretenus avec les autorités locales, les responsables de la société minière et ont effectué une visite des installations de la mine. Les principaux constats faits par les journalistes révèlent que l’activité minière entraine une profonde déstructuration des équilibres naturels et affectent dans leur profondeur les systèmes de production et d’organisation humaine. A Sabcé, la réserve naturelle au sein de laquelle la société a implanté ses installations était le seul réservoir de la biodiversité de la localité et aujourd’hui ce patrimoine est en voie d’extinction.
L’exploitation minière a affecté la réserve forestière de la commune et touché directement 700 ha de champs de deux villages que sont Bissa et Yimiougou. L’agriculture, activité principale des habitants souffrira très lourdement des effets de l’activité minière. En effet plusieurs paysans ont été dépossédés de leur champ de culture contre indemnisation financière. Compte tenu des habitudes agricoles cela va créer un grand vide que seul le temps permettra éventuellement de combler. Et la question de la gestion de cette ressource se pose déjà au regard des inondations enregistrées courant août 2012 que les populations attribuent au débordement des eaux du barrage construit par la société Bissa Gold.
L’eau, est la ressource la plus affectée par l’exploitation des mines car « sans elle, il n’y a pas d’exploitation minière » comme le soutien le Directeur Général Adjoint de Bissa Gold, Dr Christian Ouédraogo. C’est pourquoi Bissa Gold a fait construire une retenue d’eau d’une capacité de plus de 100 millions de mètre cube. Elle n’en « utilisera que 4 millions et il va falloir mettre en place avec les différents acteurs un mécanisme de gestion du reste de la ressource du barrage » indique M. Ouédraogo.
Une autre préoccupation dans ce genre de situation concerne la relocalisation des ménages déplacés avec les travaux d’installation de la mine. Les indemnisations portent très généralement sur les biens matériels alors que l’aspect culturel reste un énorme pan mis en sourdine. Il est évident que les pratiques et savoirs traditionnels de protection de l’environnement et de ses ressources ont été affectés. A Sabcé, la réserve contenait plusieurs sites de rites traditionnels que les autorités de la mine en accord avec les autorités traditionnelles ont délimité en mettant des bornes tout au tour afin de ne pas les détruire.
Il faut noter aussi l’afflux de populations étrangères vers les zones de production minière à la recherche d’emploi ou de meilleures conditions de vie ; ce qui crée une concentration de populations avec ses corollaires d’actes répréhensibles comme la dépravation des mœurs (banditisme, prostitution, drogue, etc.) « Actuellement, il n’est plus facile d’avoir une maison à Sabcé et même si on en trouve c’est très cher », soutient M. Mamadou Pierre Celestin ZOUNGRANA, maire de la municipalité.
Même si chaque site minier a ses réalités spécifiques, la situation de la mine d’or de Sabcé, en pleine croissance, est caractéristique des problèmes rencontrés dans les zones minières de l’Afrique de l’Ouest.
L’après mine, souvent négligé, a suscité l’intérêt des médias
Un élément important ressorti lors de l’atelier, c’est la gestion de l’après mine pendant la période d’exploitation minière. Toutes les communications faites révèlent que c’est une grosse préoccupation à la fois pour les Etats, les communautés et les sociétés minières. « Nous avons commencé dès à présent à mettre en œuvre un vaste programme de reboisement sur les stériles », soutient M. Fréderic SOME, responsable de l’environnement à la mine d’or d’Essakane, exploitée par la canadienne IAM Gold. L’après mine dans les Etats de l’Afrique de l’Ouest semble être pour le moment une dette sociale et écologique difficile à apurer. La question de l’après mine n’est pas bien maîtrisée par les populations et les autorités de la plupart des pays.
Au Burkina Faso par exemple, la fermeture d’une mine à terme et la réhabilitation du site sont encadrées par le code d’investissement minier. Ainsi, toutes les mines industrielles (en tout cas pour la société Bissa Gold et Essakane) tentent de mettre en œuvre un programme de reforestation.
L’action du GWP/AO et de l’UICN
La rencontre régionale des médias autour des mines et de l’environnement témoigne de l’attachement du GWP/AO et de l’UICN/PACO « à promouvoir dans nos Etats un développement participatif axé sur la bonne information de tous les acteurs, base d’un développement durable » a déclaré le Président du GWP/AO, Arba Diallo. « Le GWP Afrique de l’ouest depuis sa mise en place dans la région en 1999 n’a cessé de se battre auprès des Etats pour une gestion intégrée des ressources naturelles à commencer par l’eau » a poursuivi Arba Diallo. Quant à l’UICN, son rôle est « d’informer, de sensibiliser puis de plaider pour une concertation entre parties prenantes susceptible de faciliter des pratiques durables et un partage équitable des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources » a affirmé le Directeur régional du Programme Afrique Centrale et Occidentale (PACO). C’est pourquoi, l’approche de l’UICN consiste à mobiliser les connaissances pour la réduction des impacts environnementaux des sociétés minières à travers la formation des acteurs, la construction de dialogue et le développement d’initiatives en faveur des acteurs les plus vulnérables, a relevé Jean-Marc Garreau, coordinateur du programme de l’UICN-PACO, dans son exposé sur les industries extractives et la biodiversité.
La rencontre de Ouagadougou était la 6ème d’une série qui a commencé en 2007 entre GWP-AO et les médias de la région ouest africaine. Ces rencontres annuelles ont permis jusque là à asseoir un esprit de partage d’expériences entre participants, experts et les institutions qui organisent (GWP et UICN). A l’issue de chaque atelier les engagements sont renouvelés de mettre en application les nouvelles connaissances acquises pour mieux traiter l’information environnementale. Depuis 2007, on a noté entre autres évolutions positives la création dans certains journaux ou radio prenant part à ces rencontres d’espaces dédiés au traitement des informations environnementales. Une récente évolution positive dans ce sens, c’est l’initiative du créateur du site web ENVIRONEWS NIGERIA accessible à l’adresse (www.environewsnigeria.com). Ce site est spécialement consacré à l’actualité environnementale et est mis à jour régulièrement par son promoteur Michael SIMIRE qui participe à ses rencontres depuis 2007. M. SIMIRE déclare que « ce site est la concrétisation de mon engagement de Bamako », où avait eu lieu le premier atelier les 27, 28 et 29 décembre 2007.
De l’avis unanime des participants, l’atelier de Ouagadougou a été une belle occasion d’apprentissage et de renforcement des connaissances sur les questions environnementales pouvant servir à mieux informer les audiences.