La contamination des ressources en eau souterraine par le fluorure dans l’Extrême-Nord du Cameroun et ses conséquences n'ont été identifiées que récemment et les réponses ont pris du retard. GWP Cameroun et ses partenaires ont mené des travaux antérieurs portant sur la résilience des services WASH dans la région ; de ces travaux ils ont initié d’autres études qui ont mis en lumière les impacts de la fluorose dentaire sur le genre. GWP Cameroun et ses partenaires ont par ailleurs fait des progrès en mobilisant les parties prenantes qui ont développé des réponses sensibles au genre.
Après que l'analyse des impacts liés au genre dans le district de Meri en 2019 ait confirmé que les femmes étaient au centre des stéréotypes associés à la fluorose dentaire, le GWP et ses partenaires ont pris des mesures dans ladite région en développant un projet de phase II pour mener une série de « discussions éducatives communautaires » et de sensibilisation sur la fluorose et ses conséquences sur la santé. Étant donné que durant la phase I de l'étude, 10 femmes leaders ont été formées sur la fluorose et les technologies potentielles pour son traitement, la phase II de l'étude - qui a duré de septembre à décembre 2019 - avait également pour objectif d'évaluer la portée des activités de sensibilisation menées par les femmes leaders dans le district. Cette évaluation, qui comportait également une appréciation du résultat des activités de sensibilisation sur la prévention de la fluorose dentaire de la phase pilote et de la première phase, a été réalisée dans la communauté par le biais de discussions de groupe avec les 10 femmes leaders et l'administration d'un questionnaire ciblant 20 répondants. Pour les femmes de la région de Meri, la fluorose dentaire chez les jeunes filles a des conséquences négatives sur leurs relations sociales, notamment en ce qui concerne le mariage, et limite également leurs choix de carrière. En outre, la stigmatisation s'étend à leurs mères qui portent la culpabilité d'être un vecteur de transmission de la maladie à leurs enfants.
L'évaluation et le bilan ont révélé que la formation de 10 femmes leaders communautaires du district de Méri en 2019 par le GWP a eu une portée positive sur la perception de la maladie par la communauté aujourd'hui. En dehors de Manguirdla, le reste des villages où les femmes formées ont pu se déployer reconnaissent maintenant la fluorose dentaire, et comprennent qu'elle est causée par la consommation d'un excès de fluorure dans l'eau potable provenant de sources souterraines. En fait, les activités de sensibilisation ont permis aux populations de mieux comprendre l'origine de la fluorose, d'aider les communautés à être plus tolérantes envers les personnes atteintes de fluorose dentaire, et donc de réduire la stigmatisation des personnes touchées, en particulier les femmes et les filles. En outre, les femmes formées ont à leur tour formé avec succès 30 autres femmes qui poursuivent le cycle de sensibilisation dans la région. Les femmes de Godola, Meri, Tchéré et Ouazang ont utilisé les différentes activités organisées par les institutions religieuses ou « confessionnelles » pour sensibiliser les communautés et former d'autres femmes qui relaieront ensuite l'information dans leurs communautés. Pour réduire et éviter le choc de la stigmatisation sur leurs enfants, les femmes de la communauté sont plus engagées à poursuivre les activités de sensibilisation et de conscientisation dans tout le bassin de la rivière Mayo Tsanaga. Bien que les femmes soient applaudies pour leur travail jusqu'à présent, certains résidents soulignent qu'il est important d'intensifier la campagne de sensibilisation et de développer des initiatives axées sur les solutions. Selon les propos d'un fils de Douvangar : « La fluorose n'est pas une maladie qui préoccupe la santé publique, mais elle devrait l'être. Ma petite-fille a contracté cette maladie, mais le problème n'est pas de l'avoir. C'est de ne pas savoir comment la prévenir et s'en débarrasser. »
Afin de prévenir davantage la fluorose et de changer les mentalités dans la région, le GWP Cameroun et ses partenaires ont organisé des discussions éducatives intercommunautaires à Meri avec des femmes leaders, des agents de santé communautaires, des autorités traditionnelles et religieuses et d'autres membres des villages voisins. À l'ordre du jour figuraient les résultats obtenus par le travail des femmes formées par le GWP, les difficultés qu'elles ont rencontrées, les opinions des participants sur le sujet de la fluorose dentaire et les recommandations. Les participants ont été répartis en groupes de quatre membres au minimum dans le but d’examiner les opinions et de proposer des solutions aux problèmes liés à la fluorose dentaire dans la région. Parmi les solutions proposées, on peut citer : la sensibilisation continue et la vulgarisation par l'augmentation du nombre d'affiches sur la fluorose, la formation des chefs de communauté, des animateurs de soins de santé et des autorités traditionnelles, la fourniture de systèmes améliorés de collecte et de traitement des eaux de pluie comme alternative à la consommation d'eau souterraine dans les communautés touchées, qui capitalisera le travail effectué en 2012 par un partenaire du GWP, le Réseau des organisations de femmes autochtones africaines d'Afrique centrale (AIWO-CAN).
Outre les activités de l'AIWO-CAN, la recherche pour le développement et les campagnes de sensibilisation sur la fluorose dentaire ont été largement menées par le GWP. Les affiches élaborées en collaboration avec l'UNICEF dans la phase pilote de ce projet ont attiré l'attention sur le nom de la maladie « fluorose dentaire » et ont légitimé le fait que la coloration jaune, brune, rougeâtre ou noire des dents est une maladie et non une malédiction ou le résultat d'un manque ou d'une mauvaise hygiène bucco-dentaire. Cela a permis d'alléger la pression sur les femmes et les hommes touchés qui étaient considérés comme des vecteurs de transmission de la maladie, de faire naître l'espoir d'un traitement de la maladie et de sensibiliser énormément sur la maladie.
Dans l'ensemble, la stratégie du GWP visant à changer les mentalités sur la fluorose dentaire dans les communautés touchées, en mettant l'accent sur les femmes leaders de la communauté en tant qu'ambassadrices du changement, a été couronnée de succès jusqu'à présent. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire, et les femmes et les chefs de communauté ont formulé des recommandations spécifiques pour l'avenir. Ils ont notamment insisté sur la nécessité de former à la fois les hommes et les femmes afin d'être plus efficaces dans la déconstruction de la manière dont les communautés considèrent la maladie et les patients. Les femmes sont davantage les victimes sociologiques de la maladie et cette victimisation est inhérente aux choix et aux opinions des hommes sur les femmes atteintes de fluorose dentaire.
En outre, selon les responsables des centres de santé de Douvangar, Ouazzang, Manguildla et Kaliao, il serait très « utile d'intégrer les Agents de Santé Communautaires (ASC) dans toutes les activités de sensibilisation, car ils ont une meilleure compréhension des besoins sanitaires de la communauté ». De plus, les chefs traditionnels ont demandé au GWP et aux partenaires impliqués dans l'étude de « renforcer et d'accélérer les activités de recherche menant à la production d'une unité de traitement de l'eau domestique comme solution permanente à la fluorose dentaire ».