Le document validé le 24 mai 2019 au cours d’un atelier organisé au Centre d’Etude de l’Environnement et du Développement au Cameroun (CEDC) est l’aboutissement d’une série de travaux qui correspondent à une étude initiée par Global Water Partnership-Cameroun, dans le but de mesurer les impacts psychosociaux de la fluorose dentaire sur le genre, d’expliquer et de saisir ses impacts différenciés chez les hommes et les femmes.
Basée sur une méthode qualitative, cette recherche a été menée dans sept des dix localités de l’Arrondissement de Meri, région de l’Extrême-Nord. Elle s’inspire d’une publication scientifique du Docteur Wilson Fantong, parue en 2010 et faisant état de ce que la santé bucco-dentaire d'environ 500 000 Camerounais dont une grande majorité d’enfants étaient soit affectée, soit menacée par la forte teneur du fluorure géogénique dans les eaux souterraines du bassin du Mayo Tsanaga.
Le rapport de l’étude amendé et enrichi par des sectoriels et acteurs de développement concernés par les questions de genre révèlent que de manière générale, la fluorose dentaire est perçue à tort par les populations de l’Arrondissement de Meri comme une maladie héréditaire transmise exclusivement par les femmes ou encore comme une maladie d’origine ethnique.
En outre, il précise également que les impacts psychosociaux et les stigmatisations vécus par les femmes sont davantage marqués que ceux connus par les hommes, d’autant plus qu’à l’âge adulte, le garçon a la possibilité de décider de la qualité et du type de vie qu’il entend mener, ce qui n’est pas le cas de la fille qui dépend fortement des hommes et se trouve contrainte à subir des formes d’exclusions et de stigmatisations tout au long de sa vie.
L’étude révèle également qu’en affectant l’apparence physique de la personne infectée à travers le jaunissement ou le rougissement des dents, la fluorose dentaire réduit considérablement le départ en mariage des jeunes femmes car, les hommes définissent l’épousable et l’inépousable en fonction de leurs choix et orientations. En cela, cette étude relate le témoignage de plusieurs femmes, dont celui d’une native de Douvangar qui confie avoir été gênée de constater à l’âge de 14 ans qu’elle était atteinte de la fluorose dentaire et que depuis, cette maladie lui a valu des insultes et des freins dans sa vie amoureuse. Plus encore, à l’âge de 22 ans, la famille de son prétendant a mis fin à son projet de mariage, à cause de la fluorose dentaire dont elle souffrait.
Figure également dans le rapport de l’étude, le témoignage de Sanglote Awoudako. Jeune fille de 18 ans, originaire de Douvangar, elle confie se retenir de rire aux éclats, à cause du regard des autres. Elle explique que la flurorose dentaire tue mentalement et constitue un sérieux handicap pour ceux qui aspirent à certaines professions tel le journalisme, le mannequinat ou toute autre profession exigeant une certaine physionomie.
A la lumière des effets de la maladie révélés lors de l’étude, le rapport d’évaluation recommande entre autres, l’approfondissement de l’étude au niveau des autres bassins présentant la maladie et la prise en compte des données cliniques, la multiplication des campagnes de sensibilisation sur le phénomène. Etant donné l’irréversibilité de la maladie, la rééducation des femmes atteintes par la fluorose en vue de leur réintégration sociale est également préconisée. Aussi, la quantification des données pour mesurer l’ampleur du phénomène étudié est importante. En effet, elle contribuera à la mise en place d’un programme de lutte contre la fluorose dentaire, servira à un plaidoyer auprès du Gouvernement et aidera à faire de cette maladie un problème de santé publique.
Abbo Mohamadou, SAILD (Organisation partenaire du GWP Cameroun)